L'avortement reste un sujet épineux à Madagascar. Entre ceux qui se qualifient "pro-vie" et ceux qui se prononcent "pro-choix", le débat n'en finit pas. La journée mondiale du droit à l'avortement sécurisé, célébrée aujourd'hui, est une autre occasion pour les défenseurs de la liberté de choisir, telle que le mouvement Nifin'Akanga, de remettre l'interruption thérapeutique de la grossesse sur le tapis.
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Pratiqué en clandestin, sans outils médicaux adéquats, l'avortement est la deuxième cause de décès maternels à Madagascar.
Cause de décès
Une étude quantitative réalisée par Nifin'Akanga au mois de septembre 2021, en collaboration avec l'ONG AmplifyChange, intitulée "Réalité sur les pratiques de l'avortement clandestin à Madagascar", a révélé les trois principales raisons qui poussent les femmes malgaches à recourir à l'avortement : la grossesse précoce pour les 23,21% des enquêtés, la grossesse non désirée pour les 20,08% et autres raisons pour les 20,29%. Dans la catégorie "autre", est évoqué le viol, pour les 15,36% des participants à l'enquête, l'inceste pour les 6,54% et les raisons médicales ou thérapeutiques pour les 78,1%. L'étude concernait 4.478 personnes dont 3.568 femmes et 910 praticiens. Les interventions se pratiquent en clandestin, car punies par la loi.
En 2021, le ministère de la Santé Publique a estimé que les avortements clandestins représentent la deuxième cause de décès maternels, après les hémorragies pendant l'accouchement. Certaines sources affirment qu'à Madagascar, trois femmes meurent chaque jour des suites d'une interruption volontaire de grossesse faite clandestinement.
Différence entre IVG et ITG
Dans la Grande-île, les "pro-choix" ne militent pas pour l'IVG (Interruption volontaire de grossesse) , mais plutôt pour le droit à l'ITG (Interruption Thérapeutique de Grossesse) ou l'IMG (Interruption Médicale de Grosse). Entre ces deux concepts, il y a une différence, car l'IVG vient du seul désir de la mère d'arrêter sa grossesse, pour des raisons qui lui sont propres, tandis que l'ITG est décidé pour des raisons médicales, car la grossesse met en danger la vie de la mère ou que la chance de survie du fœtus est quasi-nulle.
Le code pénal malgache ne fait pas la différence entre l'IVG et l'ITG. En effet, dans son article 317, le code pénal dispose que « Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen, aura procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 360 000 Ariary à 10 800 000 Ariary ».
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La grossesse précoce est la raison qui pousse les 23,21% des enquêtés par Nifin'akanga à avorter.
Protection des praticiens
Maintes fois déjà, le Dr Eric Andrianasolo, président de l'ordre national des médecins de Madagascar, a exprimé ses inquiétudes quant à l'inexistence de texte de loi pouvant protéger le corps médical, si l'obligation leur incombe d'interrompre une grossesse pour des raisons thérapeutiques. " La poursuite des médecins est devenue chose courante, de nos jours. Deux à trois médecins, par semaine, se retrouvent au tribunal pour différentes raisons. C'est pourquoi, nous devons nous protéger, car aucune loi ne nous protège, si nous devons pratiquer une ITG et que cela ne s'était pas très bien passée. La famille pourrait porter plainte, en s’appuyant sur l’article 317. Mais quelle loi va nous protéger, nous ?", se demande-t-il.
Rappelons que Masy Goulamaly, député de Madagascar élue à Tsihombe, a déjà déposé une proposition de loi sur l'ITG à l’Assemblée nationale, au mois d'octobre 2021. D'abord publiée sur le site de l'institution, la proposition a ensuite été retirée. Le 12 juin de cette année, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale a de nouveau refusé d'introduire la proposition de loi sur l'ITG à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Sensibilisation sur l'ITG
Malgré tout cela, les militants pour cette loi n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme. Ainsi, aujourd'hui, pour marquer le coup, le mouvement Nifin'Akanga a organisé une journée d'information et de sensibilisation sur l'importance de pratiquer l'interruption thérapeutique de grossesse, en toute légalité, et dans ce cas, le considérer tout simplement comme un acte médical nécessaire. Des expositions et des échanges ont, eu lieu dans 7 villes de la Grande Île, entre autres, à Antananarivo, Toamasina et Fianarantsoa. Le mouvement a choisi de mettre en exergue quelques cas de malformations congénitales qui nécessitent une ITG.
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