La liberté d'expression existe-t-elle à Madagascar ? La question revient sur le tapis après ce qui s'est passé la semaine dernière. Il y a eu, en premier lieu l'arrestation de Mendrika Nantenaina Razafimahefa. L'homme aurait été appréhendé pour avoir fait le signe du pouce inversé, synonyme de désapprobation, au passage du cortège présidentiel, sur la route du By-pass. Pour justifier son arrestation et son mandat de dépôt, d'autres sources parlent d'acte plus grave, car il aurait fait exprès de gêner le passage du convoi présidentiel. En tout cas, le jeune homme aurait complètement réfuté son accusation, durant son procès qui a eu lieu aujourd'hui 28 juillet 2022.
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Le deuxième fait marquant de la semaine s'est passé le samedi 23 juillet dernier. La manifestation organisée par la plateforme de l'opposition RMDM (Rodoben'ny Mpanohitra ho an'ny Demokrasia eto Madagasikara) n'a pas eu lieu, car elle n'a reçu aucune autorisation. D'ailleurs, les organisateurs n'ont pas jugé utile de demander de l'autorisation à qui que ce soit, étant donné le nombreux refus qu'ils ont déjà essuyés depuis la prise de pouvoir du TGV/MAPAR. Deux Leaders du parti Tiako i Madagasikara, à savoir Ny Riana Andriamasinoro, le secrétaire général et Jean-Claude Rakotonirina, coordonnateur national ont été interpellés ce samedi, avant d'être relâché un peu plus tard, dans la soirée.
L'opposition dénonce ces faits comme des tentatives de bâillon, donc, une atteinte à la liberté d'expression. Les partisans du pouvoir, quant à eux, ne cessent d'affirmer que la liberté d'expression est bel et bien effective à Madagascar et n'a jamais été aussi respectée que lors de ce mandat du président Andry Rajoelina. À croire que fixer la limite de la liberté d'expression n'est pas chose aisée dans notre pays !
Faut-il rappeler que la liberté d’expression est un droit humain fondamental, énoncé à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Madagascar l'a ratifié depuis 1963. Faut-il aussi rappeler que la liberté d’expression est le fondement de toute démocratie ? Et chaque chef d'Etat, depuis feu Albert Zafy, ne cesse de clamer que nous vivions dans un pays démocratique. Le but ultime de la démocratie est de mettre en place une société plurielle et tolérante. Cela exige des citoyens libres de s'exprimer sur la manière dont ils désirent être gouvernés, mais aussi libre de critiquer ceux qui sont au pouvoir. Sans la liberté d'expression, on ne peut guère espérer de la croissance sociale et économique. Le fait est que même si on ne laisse pas le peuple parler librement, la liberté d'opinion n'en souffre pas pour autant. Chaque citoyen reste libre de ses idées, sauf qu'il ne peut pas les partager. Cependant, si les idées ne circulent pas, il n'y aura aucune innovation, alors que nous voulons tous une société meilleure, pour tout le monde.
Toutefois, la liberté d’expression, comme toute liberté, n’est pas un absolu et elle a ses limites. Être libre d'émettre ses opinions ne signifie pas qu'on peut tout dire sans être inquiété. La fameuse règle d'or de la liberté a tout à fait sa place ici : la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Il n'est pas question de censure, il s'agit juste de bon sens : si le propos relève de la violence, alors, il faut se taire ! Malheureusement, les limites de la liberté d'expression servent parfois de prétexte de bâillon, à ceux qui cherchent à brider la vérité et à ceux qui ne supportent pas la démocratie. Rappelons juste que la Constitution de la Quatrième République, dans son article 10, dispose que « Les libertés d’opinion et d’expression, de communication, de presse, d’association, de réunion, de circulation, de conscience et de religion sont garanties à tous et ne peuvent être limitées que par le respect des libertés et droits d’autrui, et par l’impératif de sauvegarde de l’ordre public, de la dignité nationale et de la sécurité de l’Etat ».
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