Comme de nombreux pays africains, Madagascar fait face aux conséquences du réchauffement climatique. Le « kere », cette famine, qui sévit dans le Sud de l’île, prend de plus en plus d’ampleur ces 5 dernières années. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) estime que 28.000 personnes dans le Grand Sud souffrent de ce fléau engendré par la sècheresse. D’un autre côté, les catastrophes naturelles sont de plus en plus fréquentes et font de nombreuses victimes, si l’on ne cite que les deux derniers cyclones qui ont touché la Grande Île depuis le début de cette année. L’heure est grave, mais les solutions existent.
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Le niveau de l'eau peine à descendre après le passage des trois tempêtes tropicales à Madagascar
Le continent africain est un faible émetteur de gaz à effet de serre. Et pourtant, l’Afrique en paie, actuellement, le plus lourd tribut. En ce qui concerne particulièrement Madagascar, c’est le tout premier pays de l’histoire à être frappé par la famine causée par le changement climatique d’origine humaine, affirme David Beasley, directeur exécutif du PAM, au mois de juin 2021. Selon toutes les prévisions, les choses iront en s’aggravant. C’est pourquoi, il est urgent que tous les acteurs prennent part dans toutes les actions pouvant contribuer à limiter les dégâts ou à inverser la tendance. Mounkaila Goumandakoye, Secrétaire Exécutif de l’Organisation pour l’Environnement et le Développement Durable (OEDD), a démontré lors d’un webinaire à l’attention des journalistes membres du Réseau des Médias Africains pour la Promotion de la Santé et l’Environnement (REMAPSEN), que ce fléau pourrait être considéré comme une opportunité pour l’Afrique.
Terre et mer sont touchées
Le changement climatique est une réalité et les faits sont alarmants. Dans son exposé, le, Secrétaire Exécutif de l’OEDD a, par exemple, mentionné que les changements climatiques associés à la dégradation des terres peuvent causer la perte de plus de la moitié des terres arables d’ici 2030. Cela va aggraver encore plus l’insécurité alimentaire et la pauvreté, étant donné que plus de 90 % de la population africaine dépend de l’agriculture. Une autre grande partie vit, en outre, de la pêche. Cependant, comme le rappelle Mounkaila Goumandakoye, le niveau moyen des océans a connu une élévation de l’ordre de 20 cm entre 1901 et 2018 et la montée du niveau de la mer peut aller jusqu’à 5 mm par an.
À Madagascar, la destruction des forêts de mangrove accentue ce problème, risquant, entre autres, la destruction du littoral et de l’écosystème marin. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), dans son rapport sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique (SROCC), relate que « les émissions de carbone provenant des activités humaines sont à l'origine du réchauffement de l’océan, de son acidification et de sa perte d'oxygène (…) Le réchauffement de l'océan affecte les organismes marins à de multiples niveaux trophiques, impactant la pêche avec des implications pour la production alimentaire et les communautés humaines. » Toujours dans ce rapport, il a été souligné que depuis 1960, au niveau mondial, les océans se sont réchauffés de l’ordre de 0,7 degrés Celsius, en moyenne. Cette augmentation de la température pourrait atteindre entre 1,3 et 3,7 °C en 2100. Mais déjà, elle provoque la fonte des calottes glaciaires, entrainant l’élévation du niveau de la mer ainsi que des phénomènes côtiers, comme les tempêtes, dont la fréquence et la violence s’intensifient. À noter qu’en deux mois, Madagascar est touché par 3 tempêtes tropicales, en l’occurrence Ana, Batsirai, Dumako et en ce moment même, l’on se prépare à l’arrivée d’Emnati.
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L'augmentation du niveau de la mer peut atteindre les 5 mm par an
Ressources humaines et ressources naturelles à mobiliser
Les faits sont alarmants, cela dit, dans sa présentation, le Secrétaire Exécutif de l’OEDD assure que l’Afrique peut très bien faire de ce fléau une opportunité pour son développement. « La plus grande opportunité de l’Afrique, c’est son poids démographique », lance l’expert. Il veut, notamment, mettre l’accent sur la jeunesse de la population du continent africain en formant les jeunes et en les dotant de savoir et de savoir-faire. À part les ressources humaines, l’Afrique détient aussi un potentiel énorme en matière de ressources naturelles, évoque Mounkaila Goumandakoye. A titre d’exemple, on peut citer ses grandes étendues de terres arables représentant 25 % des terres fertiles mondiales. « Selon la Banque Africaine de Développement, en usant de pratiques agricoles intelligentes face au climat, le continent pourrait multiplier par trois sa production agricole, passant de 280 milliards de dollars américains à 880 milliards d’ici à 2030 », positive-t-il. Il faut seulement veiller à ce que l’exploitation de nos ressources n’engendre pas d’impacts négatifs comme les pollutions, la dégradation des terres ou encore la perte de biodiversité.
Place aux investisseurs privés
Il a également tenu à rappeler qu’en 1992, l’on a adopté la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Cette convention constitue une des réponses fondamentales de l’humanité face au changement climatique, faisant suite à la conclusion du GIEC que le changement climatique est réel. Dans la CCNUCC, il est question, entre autres, de favorisation des investissements privés, car en saisissant les opportunités de financement existantes, l’Afrique peut réunir les conditions de succès d’adaptation au changement climatique et pourra ainsi renforcer la sécurité alimentaire, énergétique, sociale, environnementale…
Dans le cas contraire, si les mesures appropriées de lutte contre le réchauffement climatique ne sont pas prises, le Secrétaire Exécutif de l’OEDD prévient qu’il y aura de grands risques d’aggravation de la famine, de la pauvreté, des conflits et des conditions sanitaires. Pour illustration, selon des études du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 28 % de la morbidité sont liés à des facteurs environnementaux. Ce taux s’accroîtra avec l’augmentation des effets du changement climatique. Mounkaila Goumandakoye, de conclure que la lutte contre les changements climatiques sera réussi, à condition que les Etats africains mobilisent en premier lieu leurs propres ressources et capacités au niveau local, national et régional.
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