Madagascar Fashion Week Océan Indien (MFWOI) touche à sa huitième édition et se prépare déjà à célébrer le numéro dix de l'événement. Malgré les différentes crises, aussi bien planétaires que nationales, les organisateurs ne comptent pas abandonner et s'efforcent toujours d'innover. Alexandre Rakotoson, président fondateur du MFWOI nous partage son point de vue à propos de l'industrie de la mode.
Organisateurs et participant, face à la presse.
La Balise MG (LB) : Comment se porte le secteur de la mode en ce temps de crise ?
Alexandre Rakotoson (AR) : Contrairement à ce que l'on pourrait s'attendre, le secteur de la mode se porte plutôt bien. Je dirai même qu'il est en plein essor depuis la pandémie de covid-19. C'est peut-être parce que la mode représente une sorte de thérapie, un moyen de se sentir bien dans sa peau pour mieux affronter les difficultés du quotidien. La preuve : la vente en ligne de vêtements et de produits de beauté n'a jamais aussi bien marché que pendant la période de confinement. Le coronavirus a également changé notre mode de vie, notre manière de communiquer avec les autres. Parlons, par exemple, de la visioconférence. On est en gros plan sur un écran. Ce n'est pas la même chose que se trouver dans une salle de réunion avec de nombreuses autres personnes. Sous le projecteur, on se doit d'être plus apprêté, de porter chaque jour des habits que les autres n'ont pas encore remarqué, car on se sent scruté. Tout cela a boosté le secteur de la mode. LB : Cela pourrait-il signifier que le nombre de designers, stylistes et créateurs de tendance malgache a augmenté ? AR : En un sens oui. En tout cas, beaucoup se sont essayés à la création pendant le confinement. Le fait de rester à la maison a réveillé des vocations. Les enfants des tailleurs, couturières ou stylistes ont profité des moments passés avec leurs parents pour apprendre le métier. Certains ont découvert que le secteur de la mode peut être une vraie source de revenue. Mais bien sûr, d'autres ont aussi renoncé. LB : La mode a-t-il un genre ? AR : A la base, la mode était l'apanage des hommes. En France, les hommes portaient des talons, des vêtements en dentelles, beaucoup de couleurs... Plus tard, à cause du rôle social attribué aux femmes, qui est celle de s'occuper de sa famille en restant à la maison, la mode était considérée comme une affaire de femmes. C'est à la femme de fabriquer les habits pour sa famille, tout comme c'est à elle de faire le ménage ou de préparer le repas. Mais depuis que les femmes travaillent en dehors de la maison, les hommes recommencent de plus en plus à s'intéresser à la mode. D'ailleurs, on compte un bon nombre de styliste homme, à Madagascar et partout ailleurs. En bref, la mode n'a pas de genre. Elle appartient à tout le monde. Homme et femme doivent travailler ensemble pour faire prospérer le secteur de la mode et de la culture. LB : Le thème de l'inclusion a gagné l'univers de la mode, au niveau international. Certains stylistes intègrent dans leurs défilés des personnes en situation de handicap, des transgenres etc. Est-ce envisageable pour MFWOI ? AR : Pourquoi pas ? D’ailleurs, chez MFWOI, nous n'exigeons aucune mensuration pour nos modèles. Nos mannequins ne sont pas forcément des gens célèbres. Nous préférons faire porter les créations par des personnes ordinaires, que l'on peut rencontrer tous les jours au sein de la société. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue la dimension culturelle. Pour ce qui est, par exemple, des personnes transgenres, je ne pense pas que les Malgaches soient encore prêts à voir une personne transgenre défiler. Je conçois que la mode est une plateforme toute indiquée pour sensibiliser sur le droit humain, à travers l'acceptation de la différence. Mais il faut encore du chemin pour que nous arrivions à ce changement de comportement. Et comme MFWOI a été créé dans la perspective de promouvoir la culture malgache, il est de bon escient de prendre en compte la façon de penser malgache. Nous prenons en compte la réalité de notre pays. C'est pourquoi, nous avons appelé les créations qui vont être présentées : "collection printemps-été austral", car nous sommes dans l'hémisphère sud. Nos principales cibles sont les Malgaches et tous ceux qui se trouvent en Afrique et dans l'hémisphère sud.
Alexandre Rakotoson, président fondateur de Madagascar Fashion Week
LB : L'écologie a-t-elle sa place dans MFWOI ? AR : En définitive, nous, les Malgaches, nous avons toujours privilégié le recyclage et l'upcycling, qui sont des pratiques souvent utilisées dans la mode écologique. Madagascar est même connu pour être le pays de la débrouille, du fait que nous pouvons tout réutiliser pour fabriquer quelque chose de nouveau, comme ces bouts de plastiques qui sont transformés en sac à provisions. Nous avons également toujours favorisé les matières naturelles comme le raphia. En vérité, les designers malgaches sont les précurseurs de la mode écologique, mais la communication sur ce sujet est plus puissante chez les occidentaux, qu'on oublie ce qui se fait déjà chez nous. LB : Comment va se dérouler le MFWOI 8ème édition ? AR : Madagascar Fashion Week Océan Indien est organisé par l'association Jeunes Volontaires Madagascar. La huitième édition se déroulera le 14, 15 et 16 décembre 2022. Il y aura des ventes expositions pendant ces trois jours chez Radisson Ambohijatovo, tandis que des ateliers sous différents thèmes (art thérapie, montage de projet, orientation professionnelle...) se tiendront chez IKM Antsahavola. 10 designers participeront à cet événement. Ils sont tous malgaches, si les éditions précédentes ont vu la participation de designers étrangers. La raison en est que nous avons choisi de promouvoir les talentueux designers malgaches. Ils ne sont pas seulement des créateurs de vêtements. Parmi eux, il y a des créateurs de décoration d'intérieur, des fashion hair designers, des créateurs de sac... En bref, tous les talents qui font l'identité d'une véritable fashion week. L'évènement se terminera le 16 décembre par une grande soirée défilé sur le rooftop de l'hôtel Radisson Ambohijatovo.
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